Imprimée à Fribourg, dans ses propres murs, durant 143 ans, La Liberté a changé de salle d’accouchement début 2015. S’il est certifié AOP, le journal que vous tenez dans vos mains s’est teinté d’un léger accent alémanique depuis qu’il est mis sous presse entre 1h et 2h du matin au Druckzentrum de Berne. DZB: trois lettres d’où sortent chaque nuit des millions d’autres, assemblées quotidiennement dans la Berner Zeitung, La Gruyère, La Liberté et une dizaine d’autres titres. Sollicitées toute la journée, les trois énormes rotatives mettent les bouchées doubles une fois la nuit tombée. Elles cracheront 300'000 exemplaires avant que l’aube ne pointe.
58km de papier sont nécessaires à l’impression quotidienne de La Liberté
Il est minuit, l’heure du print. Directeur du centre d’impression détenu par Tamedia, Matthias Kobel joue les guides dans l’usine, qui n’est pas sans rappeler Les Temps modernes de Charlie Chaplin. D’ordinaire, le grand patron dormirait à une heure aussi tardive. «Je ne quitte mon lit en pleine nuit qu’en cas de problème majeur. A partir de 30 minutes de retard, l’équipe est obligée de m’appeler.» Son téléphone toujours allumé, l’Emmentalois a le sommeil léger: «La nuit, c’est toujours un peu chaud. Une casse papier arrive une à deux fois par semaine. A chaque fois, c’est 15 minutes de perdues, le temps de réintroduire la bande. Si nous sommes en retard, les fourgons aussi auront du retard au dépôt, et ainsi de suite. Nous n’avons que très peu de marge…»
Quatre cahiers, deux tours
Le jour de notre visite, tout est sous contrôle. Il est 0h15 et les 28 pages de La Liberté du lendemain sont déjà là. «Comme l’impression de la Basler Zeitung sur la machine N° 20 s’est bien passée, nous allons pouvoir commencer en avance», se réjouit Matthias Kobel. Derrière un ordinateur, une spécialiste prépresse effectue un dernier contrôle des fichiers PDF envoyés par Christophe Sugnaux et son équipe. Les pages sont divisées en quatre couleurs: le cyan, le magenta, le jaune et le noir. Le directeur s’arrête sur le logo de La Liberté. «Un mélange bien particulier de magenta et de jaune. Le dosage d’encre doit être juste. Sinon, on risque de se retrouver avec le rouge de Marlboro.»
«C’est l’un de nos journaux les plus complexes à réaliser.»
Matthias Kobel
Plus loin, les imprimeurs sont déjà à pied d’œuvre. Une fois les plaques insérées dans le «monstre», le papier introduit par les bobineurs en contrebas et les derniers détails techniques réglés, l’imprimerie se remet en branle vers 0h45. Par quatre à la laize (sur la largeur), les pages de notre quotidien se mettent à défiler de plus en plus vite. Minutieux, le processus d’assemblage se conclut par un voyage dans la plieuse, d’où sortent à la queue leu leu les produits finis. Marque de fabrique de «La Lib», les quatre cahiers obligent les rotativistes à répéter l’opération une deuxième fois. «C’est l’un de nos journaux les plus complexes à réaliser.»
A intervalles réguliers, un employé attrape un exemplaire sur la chaîne de production qui vole au-dessus de sa tête et le passe au peigne fin sur son pupitre. «Rien n’est laissé au hasard, assure Matthias Kobel. Même si tout se passe bien, il est toujours possible de régler les couleurs, de modifier la position de l’image sur la page ou celle du pli.»
Avec quatorze fourgonnettes
Achetés en Suisse, en Allemagne et en Scandinavie, les rouleaux de papier sont empilés au sous-sol. Deux sont nécessaires pour une seule édition, soit l’équivalent de 3,6 tonnes, ou 58 kilomètres. Depuis sa venue au monde jusqu’à son acheminement dans le centre d’expédition, chacun des 29'450 exemplaires de La Liberté s’offre un périple de 7 minutes sur les interminables rails prévus à cet effet.
60 minutes
Le temps nécessaire pour l'impression des quelques 30'000 exemplaires de _La Liberté_
Au postpresse, situé à l’autre bout du DZB, des dizaines de temporaires réceptionnent les journaux, les trient et les répartissent par paquets dans les 13 fourgonnettes qui prendront la route du canton de Fribourg. «Les premiers exemplaires filent à La Poste. Les suivants sont pour les porteurs.» La visite se termine. L’impression de La Liberté aussi. 1h45, l’heure du lit pour Matthias Kobel.