Il n’y a pas si longtemps, les correcteurs partaient à la chasse aux coquilles, ces fautes de frappe – bien involontaires – qui polluent les textes des journalistes. Depuis l’arrivée des correcteurs automatiques, ces erreurs digitales n’ont pas disparu, mais elles sont beaucoup moins fréquentes. Il reste quelques fautes de syntaxe et l’une ou l’autre règle grammaticale malmenée. «Un correcteur est une sorte de gardien de but. C’est lui le dernier rempart pour empêcher la publication d’une faute. A la correction, mes quatre collègues et moi sommes les garants de la bonne image du journal. Il doit être impeccable avant de partir à l’impression», résume Marc Loretan, 60ans, dont plus de 30 passés à corriger les articles de La Liberté.
Si le correcteur est le dernier à pouvoir empêcher les «autogoals» des rédacteurs, il est aussi le premier lecteur du journal. A ses débuts, dans les années 90, Marc Loretan, alors encore étudiant, tirait plaisir à découvrir les nouvelles en primeur. Dans le monde numérisé d’aujourd’hui, les surprises sont moins fréquentes. Le jeune sexagénaire n’a en revanche pas changé son approche. «Le correcteur doit être le profane qui ne connaît rien au sujet. Si on ne comprend pas une phrase ou une tournure, nous appelons l’auteur pour en discuter», précise-t-il. Les modifications sont toutefois rares. «D’abord parce que les rédacteurs savent écrire, commence Marc Loretan, mais aussi parce que l’on ne signe pas les textes. Si ce n’est pas faux, nous ne changeons rien!»
Jamais avant minuit
Comme beaucoup de métiers, celui de correcteur a passablement évolué au cours des dernières années. «Avant, nous relisions les textes sur papier, nous notions les erreurs sur la feuille et l’équipe de la saisie se chargeait d’effectuer les corrections. Désormais, tout se fait directement sur l’écran», poursuit-il, un brin nostalgique en repensant aux tierces, les pages de journal imprimées dans leur entier qui passaient entre ses mains pour un ultime contrôle. «Cela permettait d’avoir une vue d’ensemble, d’éviter les répétitions dans les différents titres de la page et de repérer plus facilement les éventuelles erreurs dans les noms ou dans la mise en page», apprécie-t-il. Une responsabilité qui repose désormais sur les épaules des éditionneurs.
«Si on ne comprend pas une phrase ou une tournure, nous appelons l’auteur pour en discuter»
Marc Loretan
Sans marquer de préférence pour l’un ou l’autre thème, le correcteur avoue «ne pas maîtriser» les articles liés au cinéma, au théâtre ou aux concerts. Toute trouvée et pleinement recevable, son «excuse» découle d’une implacable logique. «Tout cela se passe pendant que je suis au travail», explique celui qui commence ses journées à 15h et qui ne les finit jamais avant minuit. «C’est un horaire qui me convient. Je monte en puissance le soir», sourit-il. Les samedis soir, l’un de ses deux jours de congé puisque le journal ne paraît pas le dimanche, sont consacrés à ses proches. «Je préfère voir des gens, passer du temps avec ma famille que filer au cinéma ou au théâtre. Raison pour laquelle je connais moins ces sujets», ajoute-t-il.
Le Grevisse en juge de paix
Derrière son écran, Marc Loretan est toujours sur ses gardes. Ses principaux ennemis? Les homophonies. «L’autel devient parfois hôtel. Cela n’a pas tout à fait le même sens…» avertit le correcteur, qui se méfie aussi des animaux! «Nous lisons régulièrement que quelqu’un «a repris les rennes» au lieu des rênes. Nous sommes aussi attentifs aux verbes transitifs et aux prépositions mal utilisées», énumère le correcteur.
En cas de doute, le Dictionnaire des difficultés, le Guide du typographe, le Petit Robert ou le Larousse sont là pour aider l’équipe de la correction. S’il faut mettre tout le monde d’accord sur la langue française, c’est alors à un… Belge que revient cet «honneur»: Maurice Grevisse. «C’est le juge de paix. Son livre Le bon usage de la grammaire française fait référence», explique Marc Loretan, qui en fait parfois des cauchemars. «Il m’est arrivé de me réveiller en sursaut, la nuit, en me demandant si je n’avais pas raté un truc, avoue-t-il. Et en général, ce sont les plus grosses fautes – comme le 31 juin – qui échappent à tout le monde…» soupire-t-il.