Le ballon rond a longtemps été sa passion. Lorsqu’on lui demande ce qu’il rêvait de faire comme travail, Sébastien Julan répond tout naturellement: footballeur professionnel, évidemment. Sauf qu’il est devenu journaliste. Responsable depuis 2010 de la page Forum à La Liberté, où il officie également comme rédacteur en chef adjoint, ce frais quinquagénaire a d’abord fait ses premières armes plus au sud, au journal La Gruyère. Un peu à l’insu de son plein gré.
«Je n’ai jamais rêvé d’être journaliste. Aucun métier ne m’intéressait vraiment, mis à part footballeur!» résume celui qui choisit, après sa maturité au Collège Saint-Michel, à Fribourg, de rejoindre les bancs de l’Université, où il étudie l’histoire et la géographie.
A Villars-Vert
Le voici donc parti pour devenir enseignant. Mais c’était sans compter un «visionnaire», un homme qui a perçu le haut potentiel rédactionnel du jeune étudiant. Tu seras journaliste mon petit, aurait pu lui dire Patrice Borcard. Le préfet de la Gruyère était alors rédacteur en chef de La Gruyère. Il lui propose un job, après l’avoir rencontré dans un colloque. «Je n’avais jamais écrit une ligne auparavant», rigole Sébastien Julan, qui passe ses examens universitaires puis accepte le défi avant de suivre une formation de journaliste.
300 pages Forum sont publiées chaque année
Une carrière qu’il n’avait pas imaginée même s’il a connu, enfant, ses premiers émois journalistiques. «J’ai grandi dans le quartier de Villars-Vert, à Villars-sur-Glâne, et nous avions un petit journal local. J’ai, un jour, aidé à réaliser un reportage. Ça m’avait marqué.»
Le goût de la politique
Un métier qu’il a pourtant immédiatement aimé. Le nouveau journaliste s’implique, fidèle à son caractère. Loyal et consciencieux, deux qualités qui lui sont unanimement reconnues bien au-delà des frontières de la rédaction. Son terrain de jeu? La politique cantonale, qu’il affectionne particulièrement.
Après quatorze ans, il quitte La Gruyère pour La Liberté, son journal «de cœur», celui avec lequel il a grandi, celui dans lequel étaient mentionnés ses premiers résultats de footballeur et ceux de son père, originaire de la Guadeloupe, dont la pratique du football a favorisé l’intégration. Au quotidien fribourgeois, celui qui a des origines valaisannes par sa maman rejoint l’équipe de la rédaction en chef et le courrier des lecteurs. Même s’il a occupé diverses fonctions durant sa carrière, il ne se voit pas gravir encore quelques sommets plus élevés… «C’est une question de caractère. J’aime donner mon avis, je ne fuis pas devant les responsabilités, mais porter des décisions est quelque chose que je ne vivrais sans doute pas bien. Je préfère être celui qui chuchote à l’oreille. Il me semble être plus utile ainsi.» L’homme privilégie donc l’ombre à la lumière. La page Forum était, dès lors, taillée sur mesure.
1500 lettres par an
Une fonction pour laquelle il a mis entre parenthèses la rédaction d’articles. Mais qu’importe, avance-t-il à grand renfort de métaphores footballistiques. «Je me mets au service de l’équipe. Dans un journal, il faut des créatifs, d’autres qui mettent des goals et ceux qui récupèrent les ballons. Il faut des bons à tous les postes.» Sébastien Julan gère quasi quotidiennement une page de lettres de lecteurs qui nécessite un long travail en amont. Cela représente 1500 lettres et opinions publiées, soit environ 300 pages par année. Sans compter tous les refus et lettres non publiées. Il faut réceptionner les textes, les évaluer, vérifier les informations et les reformuler si besoin.
90% des lettres publiées
La longueur, la fréquence (au maximum douze courriers par an et par lecteur), l’exclusivité et bien sûr le respect du droit, des règles internes au journal et de la déontologie sont autant de critères qui entrent en ligne de compte dans la publication. Tout comme l’intérêt public. «Environ 90% des lettres sont publiées. Il n’existe pas de droit à être publié pour un lecteur. Mais La Liberté a une responsabilité particulière, de par sa position dominante, de permettre la liberté d’expression la plus large possible», tient à préciser le rédacteur en chef adjoint, qui doit parfois faire face à quelques réactions hostiles.
«Ce n’est pas toujours facile! Il arrive qu’on me traite de censeur. Et je constate que les propos se sont souvent durcis ces dix dernières années»
Sébastien Julan
«Ce n’est pas toujours facile! Il arrive qu’on me traite de censeur. Et je constate que les propos se sont souvent durcis ces dix dernières années, la présence des réseaux sociaux est sans doute une explication.» Sébastien Julan fait notamment référence à une fameuse lettre de lecteur ayant défrayé la chronique («Aux jeunes filles en fleur»). S’il l’a publiée, c’est pour son côté révélateur d’opinions, lesquelles peuvent aussi nourrir le débat.
Ce qui n’empêche pas pour autant ce grand patient de se remettre en question, de s’interroger quant à la pertinence de ses choix. Et de conclure: «Ce que j’aime dans ce travail, c’est le côté médiateur qu’il me permet de jouer. C’est toujours un défi de se dire qu’ensemble on va trouver une solution!»