Imaginez un lieu où tout est possible, un laboratoire d’idées. C’est un peu ce que représente la partie numérique de La Liberté, qui a vu le jour il y a quelques années et se développe vitesse grand V. A sa tête, un homme. Ou plutôt un jeune homme: Jérémy Rico. A la rédaction, il est connu pour être celui qui habite le plus près des bureaux de Pérolles (comptez deux minutes de marche). Il est aussi le troisième plus jeune journaliste de l’étage. «Au sein de la cellule numérique, on teste, on rate, on recommence, on réussit… On peut toucher à tous les thèmes: élections américaines, fribourgeoises, Montreux Jazz Festival, Euro.»
Tee-shirt floqué d’un célèbre petit crocodile et pantalon en velours noir, le Fribourgeois de 29 ans cache sa personnalité d’insatiable créatif derrière des allures flegmatiques. «Je ne suis pas quelqu’un qui panique ou qui s’énerve. Je pense que c’est agréable pour mes collègues, en plein rush», s’amuse celui qui a toujours été «branché numérique» et a appris sur le tas à faire des podcasts ou à tourner des vidéos avec un iPhone. Il a affûté sa plume au bureau de la régionale, à Bulle, avant de rejoindre Fribourg, où il habite avec sa compagne. Il dirige la cellule numérique depuis presque deux ans. Son équipe est composée de trois trentenaires autour desquelles gravitent des collaborateurs occasionnels.
Dans le bureau du web, partagé avec les journalistes de la rubrique sportive, les journées s’apparentent à un joyeux entrechoc de tâches. Essayons d’y mettre un peu d’ordre. «Nous assurons des horaires entre 7h30 et 22h en nous relayant», explique Jérémy Rico, qui a trois casquettes: chef d’équipe, chef de projet (il participe au développement numérique du titre et contribue à lancer de nouvelles idées), et journaliste, puisqu’il écrit également, prioritairement pour animer les différents supports multimédia de La Liberté.
«Aucun média de Suisse romande n’a trouvé la recette miracle, tout le monde tâtonne.»
Jérémy Rico
Et puis il y a les tâches supplémentaires, qu’il faut assurer lorsque les collègues sont en vacances ou occupés par un important dossier. Jérémy Rico fait parfois de la modération sur les réseaux sociaux. Les commentaires des internautes sont passés au crible d’une charte très précise. Une phrase insultante sera par exemple effacée. «Les sujets personnels et intimes font beaucoup réagir, comme le vaccin, le Covid-19 de manière générale, le véganisme, les questions de genre.» Le Fribourgeois ajoute que les articles du cahier régional auront souvent plus de succès sur Facebook, ceux du cahier magazine sur Instagram et les sujets politiques sur Twitter.
Dans ses loisirs, Jérémy Rico aime surfer sur le web. Mais parfois, il déconnecte. Il prend son appareil photo argentique. Passe de longues heures à développer des images. «Je travaille sur des pixels toute la journée et le numérique est immatériel. Les photos sont tangibles.»
Des efforts ciblés
Evidemment, les quatre du web forment une petite équipe. Impossible de suivre le rythme des principaux médias internationaux. Ils n’auront par exemple pas été les premiers à annoncer le décès de Jean-Paul Belmondo. Par contre, ils ont réfléchi à la meilleure manière de décliner le sujet: «Nous avons cherché des contenus d’archives, des vidéos. Puis un collègue nous a dit que l’acteur avait bu un café à Fribourg avec Jo Siffert (le coureur automobile, ndlr) et qu’il allait écrire un article à ce sujet. Dès que le texte a été achevé, nous l’avons mis en ligne. Par contre, à Fribourg, nous devons être les premiers à dire les choses.»
7h30 à 22h. Les horaires de la rubrique web
Son souhait? Intéresser les jeunes via le numérique et les pousser à s’abonner à La Liberté. «J’ai toujours voulu parler à ma génération, qui n’a plus forcément le réflexe de s’abonner au papier.» Raison pour laquelle ses articles parlent par exemple de tiktokeurs ou d’instagrammeurs. «Nous n’attendons pas que quelqu’un ait 30 ans pour faire son portrait», illustre-t-il.
L’autre défi est de réussir à monétiser l’information, car internet a tendance à ressembler à un grand bar où tout le monde se sert gratuitement. «Aucun média de Suisse romande n’a trouvé la recette miracle, tout le monde tâtonne.» A l’avenir, Jérémy Rico voit le numérique poursuivre sur sa lancée. Mais il ne pense pas que la version papier de La Liberté disparaîtra.