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Du documentaire à l’info brute

Du documentaire à l’info brute

Un parcours déjà riche et un vrai regard: Valentine de Dardel est la vidéaste de la rédaction

Il fut un temps où la télévision produisait des images, où la radio fabriquait des sons et la presse écrite, des journaux. Depuis, l’avènement du numérique a redistribué les cartes et les différents médias se sont adaptés en multipliant leurs supports de diffusion. Aux balbutiements, façon cour des miracles, a succédé l’émergence de nouveaux métiers, de nouvelles formations et d’outils adaptés.

L’apparition de la vidéo à la rédaction de La Liberté illustre cette évolution. Acquis il y a une dizaine d’années, la première caméra, son imposant trépied et sa batterie de Pinzgauer pesaient un cheval mort. Ses utilisateurs occasionnels, journalistes formés sur le tas, n’avaient d’autres choix que d’user jusqu’à la reliure le mal nommé «manuel d’utilisation». Puis une première vidéaste de métier – Vanessa Lam – a essuyé les plâtres. Avant que Valentine de Dardel et ses enthousiasmes ne prennent le relais. C’était début 2021.

L’image comme une évidence

Parce que c’est rare, une journaliste capable de vous planter en 50 secondes un décor de soleil couchant, il vaut la peine de s’arrêter quelques instants sur le personnage. A 31 ans, Valentine de Dardel a déjà usé ses bottes de sept lieues. Des études en relations internationales à Genève, un master à Barcelone (étude des migrations), et la Glânoise d’origine s’installe à Buenos Aires, comme journaliste documentaire. Elle y vivra cinq ans. «Depuis toujours, j’aime le cinéma, sa déclinaison documentaire, militante, et c’est très naturellement que je me suis tournée vers l’image.» De ses années sud-américaines, elle gardera le goût du format long et l’écho d’un cinéma incarné.

Elle ne s’en cache pas: aux premiers abords, ce profil ne colle pas pile-poil avec son nouveau rôle de vidéaste au sein d’un quotidien régional, où l’actualité dicte la cadence. Un jour, un sujet. Tournage, sandwich, montage, et que vogue la galère! Pour l’Oscar du meilleur film documentaire, il faudra se lever tôt. «C’est vrai que c’est contradictoire. La plupart du temps, je fais de l’info brute. Mais j’aime cette sensation. Chaque matin, il faut repartir de zéro», concède la vidéaste.

La routine lui est jusque-là inconnue. «Après des années passées à l’étranger, je dois rapprivoiser mon canton d’origine et un journal que je lisais adolescente. Je viens d’arriver, je dois faire mes preuves. Pour chaque sujet, il faut se documenter, en apprendre davantage sur les protagonistes, sur les enjeux, et trouver un angle. Sur place, il y a toujours une part d’improvisation. Il faut jouer avec le cadre, la lumière ou la disponibilité des intervenants.» Ce rythme effréné n’est pas une fatalité. «Comme les journalistes de presse écrite, qui traitent d’abord d’actualité mais prennent aussi le temps d’approfondir certains sujets, je dois varier les formats. Et apprendre à ne pas être perfectionniste.»

Créer de l’intimité

Valentine de Dardel, c’est l’actualité et le documentaire qui vont bras dessus, bras dessous. Avec une passerelle qui résonne comme une évidence après une heure d’échange sur la terrasse du bistrot d’en face: l’humain est au centre de ses préoccupations.

Jugez plutôt: lorsqu’elle débarque pour la première fois à la rédaction, et alors que ses collègues versés dans les métiers numériques visent des équipements dont la facture grimpe à la hauteur du PIB du Bénin, elle ne revendique qu’un seul outil supplémentaire, une focale fixe, traduisez un objectif qui l’oblige à s’approcher au plus près de ses interlocuteurs.

«Je vais toujours privilégier l’échange, la proximité.»
Valentine De Dardel

Plus qu’un artifice technique, un credo: «Si tu arrives à comprendre un sujet, tu vas le rendre intéressant. La base, c’est la curiosité», enchaîne la journaliste. «Mais la caméra peut être très intrusive. Au départ, tu n’es pas nécessairement légitimée à être là. Lorsque l’on te filme, on te prend un peu de toi, de ton image, le son de ta voix. Pour faire en sorte que la personne que tu pointes de ton objectif ne se sente pas envahie, il faut créer une certaine intimité. S’imposer, c’est déranger. C’est pourquoi, dans la mesure du possible, je ne vais pas travailler au zoom. Je vais toujours privilégier l’échange, la proximité.»

La vidéo est une forme de narration qui offre de nouveaux champs journalistiques aux médias de presse écrite. Et au-delà de son efficacité sur les réseaux sociaux, l’image peut parfois être infiniment plus parlante que le plus abouti des articles. Valentine de Dardel parle d’une «autre manière de communiquer». Après six mois à La Liberté, et avec un regard, le sien, elle a déjà su l’incarner